GABON / PENSION RETRAITE CNSS : Déclaration de l’UN sur le retour au paiement trimestriel

21 juin 20190
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DECLARATION DE L’UNION NATIONALE
SUR LE RETOUR AU PAIEMENT TRIMESTRIEL PAR LA CNSS DES PENSIONS DE RETRAITE.

LIBREVILLE LE 20 JUIN 2019

Depuis plusieurs semaines, les retraités de la CNSS manifestent contre la décision de revenir au paiement trimestriel de leurs pensions, alors que depuis 2014, à leur demande et en raison des difficultés liées à leurs conditions de vie, celle-ci leurs sont versées mensuellement. En appui de cette décision, la CNSS argue que : (1) la trimestrialisation est conforme aux dispositions de l’article 100 de la loi n° 6/75 du 25 novembre 1975 portant code de sécurité sociale qui indique que le paiement des pensions et des rentes est effectué trimestriellement ; (2) le passage de la trimestrialisation à la mensualisation du paiement des pensions n’a pas fait l’objet d’une modification de la loi ou d’une décision du Conseil d’administration ; (3) la situation financière de l’organisme l’oblige à réduire ses coûts de gestion.
Concernant le premier point relatif au respect des dispositions du code de sécurité sociale. En effet, le code de sécurité sociale dispose en son article 100 que le paiement des pensions et des rentes est effectué trimestriellement. Toutefois, rien n’interdit à la Direction Générale de la CNSS, dans le souci d’une meilleure qualité de service à ses assurés, de modifier à la baisse cette période de trois mois, pour la ramener à un mois. À titre de comparaison, alors que le Code du travail prévoit en son article 152 la mensualisation des travailleurs de droit commun, de nombreuses entreprises ont instauré le paiement de la quinzaine pour leurs salariés mensualisés sans que cela ne constitue une violation de la loi. La trimestrialité ne constitue donc pas une obligation pour la CNSS, mais une périodicité maximale.

Concernant la régularité du passage à la mensualisation du paiement des pensions en 2014. Dès lors que ce passage à la mensualisation ne constituait pas une violation du code de sécurité sociale et qu’il répondait à la demande des bénéficiaires, la Direction Générale de la CNSS n’avait pas besoin de modifier la loi ou de saisir le Conseil d’Administration pour la mettre en œuvre. Par contre, le Conseil d’Administration de la CNSS et l’autorité de tutelle, qui ont régulièrement approuvé les budgets et les comptes financiers de la CNSS depuis la mise en place de la mensualisation, n’ont jamais remis en cause cette dernière ; ils l’ont de fait admise. En conséquence, la mensualisation du paiement des pensions, instituée par la Direction Générale de la CNSS en 2014 et admise par le Conseil d’Administration et l’autorité de tutelle constitue un droit acquis pour les retraités.
Aussi, l’UNION NATIONALE pense que le Conseil d’Administration ne saurait se dédouaner de sa responsabilité dans le climat qui prévaut. En effet, un conseil d’administration qui valide d’année en année des budgets et comptes financiers sur lesquels apparaissent une périodicité de paiement mensuelle des pensions, ne peut se prévaloir quelques années plus tard, de ne pas avoir donné son accord.
Quant à l’État, sa responsabilité est encore plus grande dans la situation actuelle vécue par les retraités de la CNSS. Comme tous les organismes de sécurité sociale, la CNSS est un instrument de la politique sociale de l’État, dont elle est sous tutelle à travers le ministère en charge de la protection sociale. Ce ministère est représenté au conseil d’administration par un commissaire du gouvernement. Selon les dispositions de l’article 20 de la loi 6/75 portant code de sécurité sociale, le Ministre « peut suspendre les décisions qu’il estime contraires aux lois et règlements en vigueur ou de nature à compromettre l’équilibre financier du régime et les renvoyer au Conseil d’Administration pour un nouvel examen. Le Ministre peut, pour les mêmes raisons, annuler les décisions qui, ayant fait précédemment l’objet d’une suspension, auraient été maintenues par le Conseil d’Administration ». Si le ministre peut ainsi annuler les décisions d’un conseil d’administration, pourquoi n’a-t-il pas annulé la décision prise par un directeur général, s’il l’estimait contraire à la loi ?Et peut-on concevoir que le directeur général en fonction ait pris une décision de cette nature sans se référer au ministre de tutelle, donc au gouvernement qui l’a nommé ?À partir des dispositions de la loi ci-dessus mentionnée, on peut déduire que, les pouvoirs de suspension ou d’annulation des décisions par le ministre ont essentiellement pour effet, qu’une décision de la CNSS qui n’a pas reçu un avis favorable de l’État, ne peut être appliquée.
Ainsi, à l’analyse des textes qui régissent la CNSS, ni celle-ci, ni l’État, ne peuvent se prévaloir du non-respect des procédures administratives ou juridiques pour imposer un retour au paiement trimestriel des pensions.
Sur la situation financière de la CNSS. Il ne fait aucun doute que c’est le motif réel de cette décision malheureuse. Pour l’UNION NATIONALE, la situation financière désastreuse dans laquelle se trouve la CNSS résulte de son instrumentalisation politique par le pouvoir établi, de la complicité de son Conseil d’Administration, des fautes de gestion des différents directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de cet organisme. La situation économique catastrophique dans laquelle se trouve le Gabon n’est que le révélateur de la gestion calamiteuse de la CNSS dont les retraités en sont les victimes et otages.

Depuis plusieurs mois, la Direction Générale de la CNSS fait état du déséquilibre financier structurel de son institution, notamment celui de la branche vieillesse, et en réclame un réajustement. Toutefois, sur cet aspect, des zones d’ombre méritent d’être éclairées.

En effet, alors que la Loi 6/75 portant code de sécurité sociale dispose en son article 24 alinéa 2 que « Chacune des branches du régime de sécurité sociale fait l’objet d’une gestion financière distincte dans le cadre de l’organisation financière générale de la Caisse, les ressources d’une branche ne pouvant être affectées à la couverture des charges d’une autre branche », la CNSS pratique depuis longtemps, le système de « vases communicants ».En violation flagrante de la loi susmentionnée, la branche des prestations familiales et celle des risques professionnels, largement excédentaires, ont été mises à contribution, pour combler le déficit de la branche des pensions. Il en a résulté que, la branche des prestations familiales, qui aurait dû jouer un rôle important dans l’accroissement de la démographie par la stimulation de la natalité à travers l’octroi de prestations conséquentes, n’a pas pu créer la dynamique d’une vraie politique familiale impulsée par l’État. L’on peut en effet, aisément observer que, les montants des prestations familiales, bien que parmi les plus élevés de la sous-région, sont dérisoires par rapport au coût élevé de la vie dans notre pays.

L’UNION NATIONALE constate que, les excédents réalisés dans les branches des prestations familiales et des risques professionnels, ont permis jusqu’à présent à la CNSS d’équilibrer ses comptes, malgré le déficit de la branche des pensions, dont le montant n’a d’ailleurs pas été communiqué. C’est fort de ce constat, que l’UNION NATIONALE suggère à l’État, une mise à plat des taux de cotisations de toutes les branches, avant de procéder à une augmentation des taux de cotisations de la seule branche des pensions. Cette mise à plat devrait permettre de réajuster les taux de cotisation en fonction des besoins réels des branches et de l’évolution de l’environnement socio-économique du pays.

L’UNION NATIONALE s’étonne que la CNSS fasse état des difficultés de trésorerie pour payer mensuellement les pensions, et retienne comme première solution pour y remédier, le retour au paiement trimestriel, sans se pencher d’abord sur la réduction de ses charges administratives. La masse salariale de la CNSS, d’environ 30% des frais de gestion, est largement au-dessus des ratios de la CIPRES (Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale) dont le GABON est membre, qui recommande 15% maximum. Les effectifs de la CNSS, constitués de 2558 agents avant la fermeture des hôpitaux qui en absorbaient 1800, se retrouvent encore aujourd’hui à près de 2500, alors que l’une des raisons de la fermeture des hôpitaux était liée à leurs charges salariales. Si l’on peut comprendre la nécessité de préserver l’emploi de nos compatriotes qui émargent aujourd’hui à la CNSS, il n’en demeure pas moins que l’importance de la masse salariale qui en découle, ajoutée à d’autres charges administratives, réduisent la possibilité de constituer des réserves suffisantes pour le service des prestations.
La cessation de toutes les activités connexes (SMUR, Centres de santé, pharmacie, CNSS IMMO etc.)devrait également constituer une source d’économies non négligeables pour la CNSS, à qui L’UNION NATIONALE rappelle que, le recouvrement des cotisations, et le paiement des prestations techniques que sont les pensions, les prestations familiales, les rentes d’accidents du travail et les maladies professionnelles, constituent ses missions principales, qui ne sauraient être escamotées au profit d’actions secondaires. Aussi, la recherche d’économies doit commencer par une restructuration profonde de l’organisme en vue de se recentrer sur le service des prestations qui est sa raison d’être, et la reconstitution des réserves.
L’autre argument invoqué par la CNSS quant à sa situation financière, est une dette colossale de 400 milliards de francs CFA due par l’État et les entreprises privées. L’UNION NATIONALE souhaite qu’un audit de cette dette soit effectué, qui déterminera qui doit combien. Il s’agira de montrer quelle est la part de l’État dans cette dette et celle des entreprises, et pour l’État, à quoi correspond sa dette ? Est-elle constituée d’arriérés de cotisations uniquement, pour quelle catégorie d’assurés, pour quel nombre et quelles périodes ?

L’UNION NATIONALE s’étonne encore, qu’alors qu’elle précarise des milliers de retraités auxquels elle doit régulièrement verser leur pension, la CNSS entreprend de s’endetter dans des conditions plus que surprenantes, pour la réalisation d’un projet immobilier sur le site d’Okolassi. La lettre de notification d’approbation de prêt, du Président de la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC)au Directeur Général de la CNSS, laisse apparaitre qu’un pool bancaire, constitué de la BDEAC et d’Orabank, est disposé à accorder un prêt de 57 milliards de Francs CFA à la CNSS, dont 45 milliards provenant de la BDEAC.
Bien que les conditions de financement d’Orabank ne soient pas connues, celles de la BDEAC suffisent à mesurer l’importance de la charge financière que devra supporter la CNSS pour le financement de cet emprunt. En effet, le prêt de la BDEAC (9% d’intérêts sur 10 ans avec un différé de 3 ans) occasionnera des charges financières minimales à la CNSS qui pourraient être estimées ainsi qu’il suit :
1. Montant à décaisser dans l’immédiat :
• Commission d’engagement : 450 millions de Fcfa
• Dépôt de garantie : 10 milliards FCFA, la moitié avant le premier décaissement et
le solde moins de six mois après ;
• Compte de réserve : 7 milliards (une année de remboursement) ;
2. Total des intérêts : 28 milliards de Fcfa.
La mise en place du seul emprunt de 45 milliards de Fcfa de la BDEAC (hors ORABANK) conduirait la CNSS à rechercher dans l’immédiat plus de 17 milliards de Fcfa. Sachant que la CNSS déclare disposer actuellement de moins de 20 milliards de fonds de réserve.
Alors que la CNSS prétend que le retour au paiement des pensions par trimestre est une réponse à la situation financière difficile qu’elle traverse, elle s’autorise à contracter, un emprunt qui nécessite la mobilisation de plus de 17milliards de Fcfa. L’UNION NATIONALE s’interroge, et aimerait savoir où la CNSS trouvera-t-elle l’argent à mettre à la disposition de la BDEAC, elle qui dit être déjà obligée d’emprunter pour assurer le service des prestations en cours ? L’UNION NATIONALE se demande si en réalité, ce crédit n’est pas la raison principale du retour au paiement trimestriel des pensions ?
Le prêt global des 57 milliards de francs (BDEAC, ORABANK), au taux d’intérêt minimal de 9% génèrera des intérêts de 36 milliards de F CFA. Ajoutés à cela les 14 milliards déjà dépensés pour la construction des premiers logements financés sur fonds propres, ce projet coûtera à terme, à la CNSS, plus de 100 milliards de francs CFA, soit un coût moyen de plus de 100 millions de Fcfa le logement. Et il s’agit de logement social ! Chaque logement étant vendu à moins de 50 millions de francs CFA, ce projet n’a aucun espoir de rentabilité financière et constitue donc une perte sèche pour les finances de la CNSS.

Si la CNSS utilise les réserves destinées au paiement des prestations pour garantir le prêt de la BDEAC, elle se prive des facilités de découverts bancaires qui lui sont actuellement accordées par les banques de la place. En effet, elle ne disposera plus de réserves propres pour garantir ses découverts, puisque les dépôts de garantie de remboursement du crédit doivent être dans les comptes de la BDEAC et que le compte de réserves constituées dans le cadre du remboursement, devra être au nom du pool bancaire, conformément à la convention de prêt. Pendant 13 ans (3ans de différés et 10 ans de remboursement) des fonds de la CNSS seront immobilisés dans des comptes qui ne sont pas les siens, alors que « les réserves destinées à la couverture des prestations doivent être liquides et disponibles à tout moment » (article 33 du décret d’application du code de sécurité sociale).

L’UNION NATIONALE rappelle au gouvernement, que l’État est garant du fonctionnement de la CNSS. Qu’en tant que puissance publique ayant concédé à cet organisme sa mission de service public, il a le devoir de veiller à la satisfaction des besoins des assurés ainsi qu’au respect de l’équilibre financier du régime. L’État est le premier responsable des dysfonctionnements et de la mauvaise gestion occasionnés par les personnes qu’il nomme à la tête de cet organisme. L’UNION NATIONALE rappelle aussi que le droit à la sécurité sociale est un droit Constitutionnel (article 4). Il observe que des personnes du troisième âge, désemparées et se sentant abandonnées à leur sort, se voient obligées de dormir à la belle étoile, à même le sol, loin de leurs domiciles et de leurs familles, pour défendre leur droit à pension, sans que cette situation n’émeuve les plus hautes autorités de ce pays qui, au mépris de la dignité humaine, n’ont pour seule alternative que l’usage de gaz lacrymogènes. L’UNION NATIONALE s’insurge contre ce traitement contraire à notre culture, réservé à nos pères et mères. Lorsque des enfants d’un pays traitent leurs aînés de cette manière, dans l’indifférence totale, c’est que la société a perdu ses valeurs et ses repères. L’UNION NATIONALE interpelle tous les assurés actifs de la CNSS, qui sont des futurs retraités, ainsi que tous les syndicats des travailleurs et d’employeurs, et les invite à prendre toute la mesure de la situation de la CNSS, dont la gestion depuis plusieurs années, met en péril leurs droits à prestations.
Pour sa part, l’UNION NATIONALE saisira dans les prochains jours, le Président du Conseil d’Administration de la CNSS, pour exiger le maintien de la mensualisation du paiement des pensions des retraités et l’engagement des réformes internes nécessaires à la survie de la CNSS.

L’UNIONNATIONALE saisira également le premier ministre pour demander au gouvernement l’annulation du prêt accordé par la BDEAC à la CNSS, et l’organisation immédiate de négociations entre les syndicats des travailleurs et le patronat en vue de l’adoption d’un nouveau code de sécurité sociale et de nouveaux taux de cotisations.
De la même façon, l’UNION NATIONALE adressera une correspondance au Président de la BDEAC pour attirer son attention sur le fait que la BDEAC, née d’une volonté politique des pays membres, a pour objectif le développement de ces pays, en vue d’améliorer les conditions de vie des ressortissants desdits pays. Qu’en prêtant une somme aussi importante à une entité déjà en grande difficulté financière, non seulement le remboursement du prêt n’est pas garanti, mais le risque de mettre en difficulté le service des prestations sociales d’un organisme social d’un pays membre est réel. Ce qui pourrait avoir pour conséquence, l’appauvrissement de ces populations assurées et serait contraire à la philosophie et aux objectifs de la BDEAC.

Pour terminer, L’UNION NATIONALE saisira également l’Assemblée Nationale pour solliciter une enquête parlementaire qui apportera aux gabonaises et aux gabonais les réponses à toutes les questions qu’ils se posent sur le fonctionnement de cet organisme. L’UNION NATIONALE rappelle que sous d’autres cieux, les comptes de la sécurité sociale font l’objet de lois de financement et qu’ils sont publics. La garantie de transparence de la gestion d’un service public est aussi le gage d’une bonne gouvernance.

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