"Hommage à Grégory Ngbwa Mintsa par Jean Valentin Leyama."

11 avril 20220
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En cette journée d’hommage à cet illustre combattant de la liberté et des droits de l’homme dans notre pays, je vais apporter un modeste témoignage sur les circonstances au cours desquelles nos destins se sont accidentellement croisés. Pour l’Histoire.

Excepté par réputation en raison de ses activités à la Radio Africa No 1 et plus tard, de son courage de s’être porté partie civile dans le dossier judiciaire des biens mal acquis en France, je ne connaissais pas Grégory, ni personnellement, ni physiquement, je n’ai pas souvenir de lui avoir serré la main un jour. Et pourtant.

Fin décembre 2008, ambiance de fin de l’interminable règne du Président Omar Bongo. Ses héritiers politiques potentiels en compétition les uns contre les autres sont désormais à la manœuvre, dans une grande fébrilité où ils voient des complots partout.

Inopportunément, jusque-là inconnu du grand public, de passage au Gabon, notre compatriote Bruno Ben Moubamba aurait rédigé une lettre ouverte contre Omar Bongo et sollicité les services de Grégory Ngbwa Mintsa, Georges Mpaga et Marc Ona Essangui pour la diffuser. Recherché pour si peu, l’intéressé réussit à quitter clandestinement le territoire et regagne la France. C’est alors que le 28 décembre 2008, les trois compères sont arrêtés et détenus à la PJ pour complicité d’atteinte à la sûreté de l’État. Rien que ça !

Dans les heures qui ont suivi, le Ministre d’État à l’intérieur, André MBA OBAME, dans une déclaration solennelle sur la RTG, annonce une tentative d’atteinte à la sûreté de l’État (en français facile, une tentative de coup d’État) dont l’auteur, recherché, serait Ben Moubamba et les complices, Grégory, Georges et Marc.
Tout comme Grégory, je ne connaissais pas Georges, mais Marc, si, depuis 2005, compagnon de lutte devenu. Mon sang ne fait qu’un tour : " Ces gens sont malades ou quoi ? Marc, auteur d’un coup d’État en fauteuil roulant ? Ça ne se passera pas comme ça !", ai-je réagi, profondément révolté !

J’essaye alors de mobiliser des soutiens dans le milieu politique. En vain. Tout le monde a peur. On me dissuade, le motif serait particulièrement grave, affaire d’État, il ne faut pas s’en mêler ! Tant pis, je fonce à la PJ.

Au poste de garde, au moment de donner les motifs de ma visite, je vois Marc, sorti de la cellule et conduit en audition dans les étages supérieurs du bâtiment. Merde, mon sang fait un deuxième tour !

Je demande à voir un Chef. On me conduit au sous-sol au bureau d’un officier. Je me présente et lui dit que je voulais rendre visite aux trois détenus et vérifier leurs conditions de détention. Le pauvre me renvoie chez le Directeur Général de la PJ. Ce dernier étant absent, on me conduit auprès de son adjoint. Qui lui aussi botte en touche et me conseille de rencontrer le Commandant en chef de la Police. Ce que je fis.

Après quelques moments d’hésitation, le Général Langouba me reçoit et je lui propose un marché : ma détention volontaire contre la libération des trois détenus ! Il a dû me prendre pour un fou et face à mon insistance, me renvoie vers le Procureur, impossible à rencontrer. Entre-temps, les détenus ont été transférés à la prison de Gros Bouquet.

C’est ainsi que le vendredi 2 janvier 2009, le matin, je dépose à l’Union, pour publication payante, un communiqué appelant à la création d’un "Collectif pour la libération de Marc Ona & Consorts" (sic). La préposée aux communiqués me demande de requérir l’accord préalable de son chef, le directeur d’exploitation, mon communiqué est pourtant signé et comporte mes numéros de téléphone.

Le directeur d’exploitation avoue s’étonner de mon courage dans une affaire d’État et me renvoie au Directeur Général, M. Albert Yangari, que je rencontre l’après-midi. Après une demie heure d’entretien, il appelle son collaborateur : "Jean Valentin publie le communiqué en son nom, il y a mentionné ses numéros de contact, il paye. Il faut le faire passer, il assumera."

Dans l’Union du samedi 3, le communiqué paraît. Très tôt le matin, Jacob Duc Moukouangui me demande un scoop pour Africa No 1. Je passe à l’antenne, condamne l’arrestation arbitraire et exige des autorités la libération des détenus en échange de ma détention volontaire !

Cette interview est diffusée et rediffusée au cours de toutes les tranches d’information du samedi jusqu’au lundi 5 janvier. Ce jour, soulagement, j’apprends que Grégory, Georges et Marc ont été libérés sans jugement.

Le mardi 6, je rends visite à Marc, à la descente de SOS médecins. C’est alors qu’il me présente à Georges que je rencontrais pour la première fois, qui me saute au coup en signe de reconnaissance.

Je demande alors les nouvelles de Grégory. Marc me répond qu’il va bien et qu’il était remonté contre le profil bas de ses proches, tandis que du fond de la prison lui revenaient des échos d’un député "Bateke" (sic) qui s’activait pour leur libération.

Grégory a cherché à faire ma connaissance et me témoigner sa gratitude. En vain. La Providence en a décidé autrement. Il est des combats qui en valent la peine et dont on est profondément fier.

Jean Valentin Leyama
10 avril 2022.

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