"Quid de la loi sur la dépénalisation de l’homosexualité au Gabon" S.A.Ekomie

29 juin 20200
Partager

« La démocratie est la pire des dictatures parce qu’elle est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité. » Stéphane Arnaud EKOMIE, Gabonais résident à Dakar, libre penseur et juriste titulaire d’une Licence en Sciences de Gestion et Droit des Affaires Internationales, et d’un Master en Droit Maritime (spécialité droit portuaire fait son analyse sur la question qui fait débat à Libreville et partout ailleurs ,celle de la dépénalisation de l’homosexualité.

Quarante-huit (48) députés, masques sur la bouche on aurait dit la voix du Peuple gabonais muselée, ont voté inopinément la loi sur la dépénalisation de l’homosexualité . Quel rétropédalage ! Les autorités politiques gabonaises qui n’ont pas encore fini de compter les nouveaux cas testés positifs au Covid19, ont décidé unilatéralement de s’attaquer au cadet de nos soucis alors que nous manquons criardement d’eau potable, de routes praticables, de transports en commun, de salles de classe, de logements sociaux, etc.

A présent nous sommes suspendus aux lèvres du législateur gabonais qui, selon l’article 83 du Règlement de l’Assemblée Nationale, dispose que «  Sauf disposition contraire de la Constitution ou du présent Règlement, les votes de l’Assemblée Nationale sont émis à la majorité absolue des suffrages exprimés. » Le texte semble rejeté, mais attention à un revirement à 360 degrés. Notre Parlement est bicaméral (Assemblée Nationale/Sénat). Si l’interprétation de l’article 83 fait l’objet d’un débat contradictoire, la barbe de nos parlementaires sera-t-elle suffisamment « blanche » pour trancher cette question brûlante ? Ou le Premier ministre proposera-t-il une commission mixte paritaire en cas de désaccord entre ces deux chambres pour finalement adopter cette loi ?

Au Gabon c’est le silence radio, sauf dans la République très démocratique des réseaux sociaux où les « réseaux-sociolais » aboient, s’insultent et déversent leur bile sur les députés incriminés en se cachant derrière leur écran parce qu’ils manquent cruellement de cran. Bien que dans notre pays les homosexuels ne soient menacés de mort comme en Ouganda et que le Peuple n’ait donné quitus à ses représentants pour légiférer sur cette question qui ne suscite pas un grand intérêt chez nous, nous devons quand même nous plier au diktat d’une main invisible qui manipule notre conscience populaire comme une poupée vaudou. Le débat public et contradictoire, les sondages d’opinion et le référendum sont des pratiques démocratiques trop luxueuses pour l’Etat gabonais. Le mot d’ordre est clair : «  Celui qui boude...  ». Par conséquent, nos hommes politiques (majorité et opposition) et nos hommes de Dieu sont plus muets que la « grande muette » .

On a beau scander que la tradition de nos pères et les Saintes Ecritures prohibent l’homosexualité, ces paroles sont évanescentes car elles ne se traduisent pas en actes de protestation dans un cadre légal qui ne porte atteinte à l’intégrité d’autrui et qui respecte l’Ordre Public établi. La faculté d’indignation semble avoir déserté l’âme du Peuple gabonais qui est plus enclin à manifester contre la discrimination raciale qui se passe aux Etats-Unis et moins concerné par l’injustice sociale qui menace au quotidien notre pays. On attend désespérément Godot , un homme providentiel qui viendrait nous délivrer de notre coma éthylique. Le disque qui n’est pas rayé ne cesse de jouer dans nos têtes et on se convainc dans la fatalité qui est la nôtre en se disant : « Le pays est géré, on va encore faire comment ?  » Et si on faisait autrement ?

Je terminerai mon propos par les mots du président de la République en exercice d’un grand Peuple africain que j’admire, celui du pays de la Teranga . Macky SALL dit ceci à l’endroit des puissances occidentales sur la dépénalisation de l’homosexualité :

« Nous avons notre code de la famille, nous avons notre culture, nous avons notre civilisation. Il faut que les gens, aussi, apprennent à respecter nos croyances et convictions. Au nom de quoi doit-on penser que parce que ailleurs, on pense que l’homosexualité doit être dépénalisée, que ça doit être une loi universelle ? Au nom de quoi ça doit être une loi universelle ? Il faut respecter le droit également pour chaque peuple de définir sa propre législation. Je ne vois pas pourquoi on doit nos imposer cette vision. Les gens doivent avoir la modestie de comprendre que tous les pays ne sont pas les mêmes, n’ont pas les mêmes histoires, évolutions... Personnellement, je pense que les gens ont la liberté de faire ce qu’ils veulent, mais ils n’ont pas la liberté d’imposer aux autres ce qu’ils sont. »

Stéphane Arnaud EKOMIE, gabonais résident à Dakar, libre penseur et juriste titulaire d’une Licence en Sciences de Gestion et Droit des Affaires Internationales, et d’un Master en Droit Maritime (spécialité droit portuaire

Dans la même rubrique

0 Commentaire(s)

Poster un commentaire