Recomposition politique : quelle place aux ralliés ? JVL

2 septembre 20210
Partager

La classe politique dirigeante est en haleine, tant un chambardement au sein de l’Exécutif, sans cesse repoussé, est en cours de téléchargement. Comme à l’accoutumée, ce contexte suscite une frénésie partagée entre espoir pour les innombrables prétendants à la fonction ministérielle et angoisse pour les ministres en fonction, accusés par les médias à la solde du Palais, pour la plupart d’entre eux, leur cheffe en tête, d’inertie et d’incompétence dans la mise en œuvre du PAT. J’aurais pu utiliser le conditionnel mais l’évènement est probable pour au moins une raison : il faut faire la place aux nouveaux ralliés. Quelle place ?

Les personnalités les plus emblématiques, en raison de leur leadership confirmé, visent naturellement le poste de vice-président de la république, maintenu vacant depuis le limogeage de son dernier titulaire, il y a deux ans. Mais il n’y a qu’un poste pour plusieurs prétendants. La désignation d’une personnalité au détriment d’autres ne manquera pas de susciter d’immenses frustrations et désillusions.

Et puis, rien n’assure que la Short-List pour ce poste ne sera composée que de personnalités de l’opposition nouvellement ralliées au régime, le Pouvoir est parfaitement libre de choisir une autre personnalité de l’opposition ou chercher à sortir par le haut un de ses membres, devenu encombrant et dont l’éviction pure et simple serait contreproductive.

Dans notre édifice constitutionnel, le poste de vice-président de la république est d’une inutilité affligeante. Comme chacun le sait, le titulaire ne dispose d’aucune attribution, d’aucun pouvoir, ce qui le place dans les faits, en dessous du coordinateur des affaires présidentielles, du directeur de cabinet du Président de la république, ou du Secrétaire général de la présidence de la république, ses véritables interlocuteurs. S’il espère compenser cette vacuité par des moyens dans l’exercice de sa fonction, il va là aussi vite déchanter : il n’en a pas ! Il lui reste tout de même trois petits lots consolation.

1 : il prend part aux travaux du Conseil des ministres, avec voix consultative.
2 : il dispose d’une escorte de sécurité, ce qui n’est pas rien au quartier ou au village.
3 : il représente le président de la république dans des événements honorifiques extérieurs, par exemple, investitures de chefs d’Etat étrangers, porte des messages aux chefs d’Etat étrangers ou supplée l’absence du président de la République à des sommets sans enjeux.

Les images de ces déplacements, rapportées sur Gabon Télévision ou dans le quotidien national « L’Union » vont contribuer à lui donner un minimum de visibilité.

Dans tous les cas, il faudra bien récompenser les nouveaux venus, excusez l’expression, ils ne se sont quand même pas « déculottés » pour rien. Si le poste de VPR est attribué, exit les institutions constitutionnelles déjà pourvues. Reste le Gouvernement. Pas au poste de premier ministre, comme il est écrit ici et là, qui est fou de confier une telle responsabilité à un adversaire politique dont on ne connaît pas les véritables motivations ?Alors, il va en pleuvoir, des postes de vice-premier ministres et de ministres d’Etat.

Mais que les prétendants gardent les pieds sur terre et ne rêvent pas d’un département de souveraineté : Défense, Intérieur, Affaires Etrangères, Justice. Qu’ils n’espèrent même pas l’Economie, le Budget, le Pétrole et les Mines, les Transports, les Infrastructures, la Forêt. Qui est fou pour confier des départements aussi stratégiques à des adversaires politiques au risque de les voir se constituer un trésor de guerre ? Alors, que reste-t-il aux nouveaux venus ? L’histoire politique de notre pays nous enseigne pourtant : seuls les départements à problèmes ou sans consistance ont toujours été attribués aux opposants.

Départements à problèmes : Education nationale, Enseignement supérieur et recherche scientifique, Agriculture, Habitat et Urbanisme, Energie et Eau, Santé, Jeunesse et Sports. Dans ces départements, confrontés à une insuffisance criarde de marges d’action, le volontarisme le plus sincère ne parviendra pas à venir à bout de la montagne des problèmes, constituée par couches successives comme dans des formations géologiques depuis plusieurs décennies. Et personne ne s’en sort avec un bilan élogieux, bien au contraire, on va laisser le titulaire s’y enliser comme dans des sables mouvants au point de le décrédibiliser totalement aux yeux de l’opinion jusqu’à l’estocade : son éviction.

Départements sans consistance : Culture, Décentralisation, Tourisme, Commerce, PME-PMI, Relations avec le Institutions, Corruption et Bonne Gouvernance, Travail, Promotion de l’égalité homme-femme (un truc à la mode), Affaires sociales, etc., des secteurs où le titulaire devra se réjouir de sa simple présence au Gouvernement et brasser du vent.

Une fois les leaders casés, que faire de leurs ouailles ? Quelques-uns parmi les lieutenants pourront accéder à des strapontins ministériels, surtout à des postes de ministres délégués. Là encore, le choix n’incombera pas aux leaders mais à la discrétion de l’autorité de nomination, le promu saura reconnaître à qui il doit son ascension.

Ensuite, les cabinets respectifs seront les premiers réceptacles pour caser les autres cadres mais on a vite fait le plein. Pour le reste, c’est-à-dire le plus gros du troupeau, il faudra ferrailler contre la toute puissante machine des nominations dans l’Administration. Les nouveaux arrivants découvriront à nouveau que le temps de la « Rénovation » où les ministres maitrisaient les nominations dans leur département est révolu. Sous « l’Emergence », c’est en suivant le Communiqué final du Conseil des Ministres auquel le ministre a pourtant pris part, qu’il découvre, au terme d’un parcours long, tortueux et incertain, que l’essentiel de ses propositions de nomination a été remanié et qu’on lui a « choisi » des collaborateurs !

Au final, chacun aura trouvé sa place. Une place. Peu ou prou. Maintenant au travail ! Lequel travail ? Non, on n’attend pas les ralliés sur « les politiques publiques », pour reprendre une expression chère à un évaluateur national autoproclamé sur ces questions. Loin des amabilités et des promesses reçues lors de l’audience officielle, la mission implicitement consignée dans leur CDD est simple : casser toute résistance contre le président en exercice dans leur zone d’influence et, par suite, contribuer à sa réélection lors de la prochaine élection présidentielle. Rien, absolument rien ne garantit le renouvellement du contrat au-delà de son terme.

Et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à méditer sur le sort des artisans de 2009 et plus encore, ceux de 2016. Car, ce pouvoir a ceci de congénital : l’ingratitude et le cynisme à l’égard de ses fidèles serviteurs. Ce qui ne lui ôte nullement sa capacité d’attrait. La preuve : plus il fait subir des humiliations à ses soutiens allant jusqu’à l’incarcération, plus nombreuse est la masse de potentielles victimes qui frappe à la porte, les ralliés compris.

Bon courage à eux, quand même. Espérons que ce papier démente les pronostics !

Jean Valentin LEYAMA

Dans la même rubrique

0 Commentaire(s)

Poster un commentaire