GABON : Lettre de "APPEL A AGIR" au Premier ministre

31 juillet 20200
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"Du respect des règles de l’État de droit dans la gestion de la crise sanitaire" est l’objet de la correspondance du Collectif Appel à Agir adressée au Premier ministre Rose Christiane Ossouka Raponda pour appeler à la levée des mesures de restrictions des libertés publiques, qui selon ledit collectif, ont été prises de façon illégale. Nous vous proposons toute l’intégralité du courrier.

Libreville, le 20 juillet 2020

Madame Rose Christiane Ossouka Raponda

PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

Objet : Du respect des règles de l’État de droit dans la gestion de la crise sanitaire.

Madame le Premier ministre,

Le 18 mai 2020, nous avons saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnelle la loi n° 003/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires. Opportunément, la décision n° 022/CC y relative jointe à la présente, bien qu’ayant été rendue le 02 juin 2020, ne nous a été notifiée que le 25 juin 2020, donc au terme des 45 jours d’effet de la loi querellée.

Naturellement, fidèle à sa posture de protectrice du pouvoir établi et conforme à sa jurisprudence de toujours, la Cour Constitutionnelle a déclaré notre requête irrecevable. Néanmoins, au regard de la grande pertinence de notre requête, elle a pris le soin de traiter cette question au fond en accompagnant sa décision d’observations et de suggestions à l’endroit des pouvoirs publics. La Cour Constitutionnelle a ainsi indiqué sans ambiguïté que :

☛ Une loi d’exception adoptée pour assurer la gestion d’une situation exceptionnelle "doit préciser la procédure de déclaration de l’état de catastrophe sanitaire, déterminer l’autorité publique qui y procède, indiquer la nature du texte par lequel la déclaration est faite et, enfin, l’organe au sein duquel la décision est prise".

☛ "La prorogation de la durée de ces mesures dans le temps doit relever de la loi".

Ces prescriptions de la Cour Constitutionnelle auraient dû conduire le Gouvernement à présenter au Parlement un nouveau projet de loi modifiant les dispositions de la loi n° 003/2020 afin que le cadre juridique de la gestion de la crise sanitaire, notamment les mesures de privation des libertés, soit conforme aux règles de l’État de droit. Nous avons regretté que le Gouvernement précédent ait ignoré la décision de la Cour Constitutionnelle et choisi de fonctionner en marge de la légalité républicaine.

En effet, alors que la période de 45 jours prévue dans la loi du 11 mai 2020 est arrivée à son terme le 25 juin 2020 et que, contrairement à l’alinéa 2 de l’article 6 de cette loi ainsi qu’aux prescriptions de la Cour Constitutionnelle, aucun vote du Parlement n’a autorisé la prorogation de la durée de ces mesures dans le temps. Malgré cela, le Gouvernement précédent a continué à imposer au pays un régime d’exception ignorant les droits constitutionnels de la population. Au nombre de ces violations des droits constitutionnels, nous citons pour le regretter :

☛ L’interdiction sur l’ensemble du territoire des regroupements de plus de dix personnes, qui rend entre autres impossible toute manifestation publique, constitue une violation de la liberté d’expression garantie par la constitution ;
☛ La fermeture de tous les lieux de culte sur l’ensemble du territoire, constitue une violation de "la libre pratique de la religion" garantie par la constitution ;
☛Les entraves à la liberté de circuler sur l’ensemble du territoire.

☛De même, l’ensemble des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, puis en application de la loi n° 003/2020 et qui continuent d’être appliquées ne reposent sur aucune base juridique. Il en est ainsi par exemple de la fermeture totale ou partielle des commerces qui porte atteinte à la liberté d’entreprendre.

Madame le Premier ministre,

Le Gouvernement qui a précédé le vôtre a donné le sentiment, à travers ce qui est décrit ci-avant, qu’il considérait désormais la crise sanitaire comme une opportunité pour bâillonner le pays sans s’embarrasser des règles de l’Etat de droit, et ainsi mieux dissimuler l’incapacité du président de la République à assumer les charges de sa fonction. Nous en voulons pour preuve, le rôle principal que jouait curieusement le Ministre de l’Intérieur et l’effacement du Ministre de la Santé dans ce qui est d’abord une crise sanitaire et dont les conséquences sont économiques et sociales.

Par la présente, nous vous invitons solennellement au respect de la Constitution gabonaise et des valeurs républicaines. Et parce que la violation permanente de la loi ne saurait constituer un modèle de gouvernement pour notre pays, nous attendons de votre Gouvernement la levée de toutes ces mesures illégales qui sont arbitrairement imposées au pays.

Nous adresserons une copie de cette correspondance à la Cour Constitutionnelle, au Sénat et à l’Assemblée Nationale dont nous souhaitons qu’elle intègre le contrôle de légalité des actes de gestion de cette crise dans les termes de référence de sa mission de contrôle parlementaire.

Devant les Hommes et devant l’Histoire, notre initiative est responsable et ne vise qu’à protéger notre pays de cette dérive aventurière dans laquelle il est embarqué depuis plusieurs mois et qui est le contraire de l’État de droit.

Dans l’espoir que votre Gouvernement se pliera aux règles de l’État de droit pour revenir à la légalité républicaine, nous vous prions d’agréer, Madame le Premier ministre, l’expression de notre parfaite considération.

Placide AUBIANG NZEH
Noël Bertrand BOUNDZANGA
Elza Ritchuelle BOUKANDOU
Franck NDJIMBI
Nicolas NGUEMA
Jean Gaspard NTOUTOUME AYI
Anges Kevin NZIGOU
Marc ONA ESSANGUI
Edgard OWONO NDONG
Maxime Minault ZIMA EBEYARD

P.J. :
☛ Décision n° 022/CC du 02 juin 2020
Copie :
☛ Cour Constitutionnelle
☛ Assemblée Nationale
☛ Sénat

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